Je passe 5 jours à Addis Ababa (nouvelle fleur en Amharique). La capitale éthiopienne
nichée au centre du pays sur un plateau à 2500 mètres d'altitude compte 5 millions d'habitants. La ville n’a rien
d’extraordinaire, elle est assez bordelique et les énormes travaux de
construction du futur métro n’arrangent rien.
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Piazza - le centre ville d’Addis Ababa |
Je visite un peu la ville. Je fais les démarches pour
obtenir le visa kenyan. Aussi, je passe pas mal de temps à me renseigner sur
l’itinéraire pour rejoindre le Kenya. Deux possibilités : direction le Sud par la route principale en passant le
poste frontière de Moyale. Facile, asphaltée, mais côté kenyan 400 kilomètres de
pistes dans une zone assez désertique réputée pour ses « bandits » et
ses vols à mains armés.
Ou direction le Sud Ouest
vers la vallée de l’Omo et ses tribus colorées pour passer au Kenya par
Lac Turkana. Les inconvénients : la piste est connue pour être
difficile, et dans cette zone
reculée, il n’y a pas de poste
d’immigration coté Kenyan. Il faudra que j’aille faire tamponner mon passeport
à Nairobi ou essayer de le négocier à une autre frontière.
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Addis Ababa – Les bâtiments en dur contrastent avec les
habitations en taule |
Direction Sud ouest, la vallée de l’Omo et ses tribus. Reste encore
quelques centaines de kilomètres sur les superbes haut plateaux éthiopiens pour
y arriver.
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Entre Addis Ababa et Arba Minch – Les quelques huttes
décorées que je vois en bord de route |
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Entre Addis Ababa et Arba Minch – un marché de campagne |
Moi qui pensais que les routes secondaires m’épargneraient la
mendicité juvénile, je me mettais le doigt dans l’œil. C’est même pire qu’au
Nord du pays : des « Farenji, give me money » par milliers, des
moqueries, des cris d’animaux, le
cortège de gamins qui me court après quand je traverse les villages, tirages de sacoches et les traditionnels jets
de pierre.
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Vous voyez les premiers arriver en courant sur la
gauche ? |
Je ne fais plus l’effort d’essayer de sourire ou de le
prendre façon positive. Je me contente de les ignorer, de regarder loin devant
et de rouler pour rejoindre la prochaine ville.
Dans les agglomérations les gens sont plus éduqués et les échanges plus
respectueux.
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Le genre chambre à 50 Birr (2 euros) ou je passe mes
nuits en Ethiopie. Au Sud aussi c’est surpeuplé et toujours aussi difficile de camper |
Après seulement 2 jours de route, je tombe malade. La dernière injera est mal
passée et je reste cloué au lit pendant 2 jours dans la petite ville de
Hossaina.
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Entre Addis Ababa et Arba Minch – les petites villes
que je traverse |
Je ne suis pas totalement remis mais je décide de continuer
mon chemin. Mauvaise idée, car les centaines de gamins au bord des routes
eux sont en pleine forme et rendent mes journées difficiles. Ils battent des
records de stupidité et d’irrespect. En plus des milliers de « you, you,
you, farenji, give me money » qui résonnent dans mes oreilles, j’ai
droit des coups de baguette, une classe d’adolescentes qui sortent de l’école
et me mettent des coups de blouse l’une après l’autre. Le tout sous les
regards indiffèrent ou amusé des adultes. Et les rares fois où les plus âgés
interviennent, c’est en leur jetant des pierres... En bonus, j’ai aussi droit à
ces ados qui s’alignent sur la chaussée pour me bloquer le passage en mettant
des coups de fouets par terre pour essayer de m’impressionner ; quelques
kilomètres plus loin, ce gamin de 10 ans à peine qui fait de même avec une
machette presque plus grande que lui ; et souvent, les plus jeunes en me voyant arriver de loin
s’adonnent à des danses ridicules sur la chaussée en espérant me soutirer de
l’argent. J’en passe et des meilleurs…
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Le lac Abaya - un des deux lacs aux crocodiles aux
alentours d’Arba Minch |
Encore quelques côtes aux forts pourcentages, quelques
champs de bananiers à traverser sur un goudron qui me fait faux bond et
j’arrive enfin à Arba Minch. C’est à partir d’ici que je devrais commencer à
apercevoir quelques tribus. J’y reste deux jours, le temps de récupérer
totalement.
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Arba Minch, comme beaucoup de petites villes en Ethiopie,
juste quelques bâtiments en dur qui s’alignent au bord de la route |
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Le marché d’Arba Minch |
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Les alentours du village de Konso |
Les tribus se font attendre, Je dois passer encore quelques villages pour les apercevoir (Konso, Weyto) puis,
petit à petit les populations changent. En
bord de piste, je commence à voir les membres des Hammers, des Bannas, des
Aris, des Mursis et autres tribus qui peuplent la vallée de l’Omo. Je suis
encore incapable de les différencier, mais ça me parait irréel quand j’arrive
au puits de serrer la pince à ces
personnages extraordinaires, haut en couleurs avec leur colliers et décorations diverses.
Ils sont autant surpris que moi, mais les saluts se font dans le respect
mutuel.
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Un village de la vallée de l’Omo –
Au premier plan deux femmes de la tribu des Hammers |
Même dans ces régions isolées, le
tourisme laisse des traces. Ces tribus attirent les touristes qui font la
tournée des marchés en 4X4, résident dans des lodges luxueux et visitent les
villages contre quelques centaines de Birr avec les mains pleines de stylos,
sucreries et autres cadeaux. Pas surprenant, qu’ici aussi, l’homme blanc soit
considéré comme un porte-monnaie. Après, je ne sais pas si je préfère avoir à
faire à une bande de gamins en furie qui vont me jeter des cailloux dans le dos
ou me faire demander de l’argent poliment par un gaillard d’1,90m vêtu d’une
peau de bête avec une kalachnikov en
bandoulière.
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La région étant conflictuelle, il
n’est pas rare de voir ces membres des tribus armés. |
Le dernier col pour arriver à Key
Afer, le goudron se retire définitivement. Place à la crassette, à la brousse,
au plat et à la chaleur. Fini aussi la surpopulation je retrouve les joies des
bivouacs tranquilles. Les villages s’enchainent : Dimeka, Turmi, etc… Je
n’ai pas calqué mon itinéraire sur les jours des marchés hebdomadaires, mais j’ai l’occasion de voir celui de Dimeka.
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Marché à Dimeka ou les tribus
viennent vendre leur miel, céréales et autres… |
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Le marché du village de Dimeka |
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Le marché du village de Dimeka |
Un peu plus loin, au village de Turmi, je rencontre
Gallabat, un étudiant qui parle très bien anglais. Il est surpris de me voir
arriver alors que le marché n’a lieu que dans 3 jours. « D’habitude les
« farenjis » (blancs) ne viennent que pour le marché » me dit-il.
Je passe la soirée avec lui et ses amis. Il m’en apprend plus sur la région et
ses tribus. Leur vie en société, les
mariages, leur vie de tous les jours etc… « Et les armes ? » «
ah non c’est rien, c’est juste au cas où, aucun risque, pas de problèmes… » « ah
bon… »
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Village de Turmi |
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Le « possese » le plat habituel de la tribu
des Hammers |
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Village de Turmi - le « bar » le plus incroyable que
j’ai jamais vu. Les tribus viennent s’y enivrer avec de l’alcool de miel (0,40€
le litre) |
Dernière ligne droite jusque Omorate, le dernier village
Ethiopien au bord de la rivière Omo. Je fais des réserves de nourriture en
prévision de la zone reculée à traverser une fois la frontière passée. L’officier
de l’immigration tamponne mon passeport, me voilà presque sorti d’Ethiopie. Reste
plus qu’à passer sur l’autre rive et rejoindre le Kenya. Je suis l’un des
derniers à traverser la rivière en canot de bois. Les ouvriers chinois sont à
pied d’œuvre et le pont devrait être terminé d’ici deux mois.
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Village d’Omorate |
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La rivière Omo |
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Débarquement rive Ouest – J’ai été surclassé, pas de
tronc d’arbre, j’ai eu droit à la barque
en plastique ! |
J’ai le Kenya en point de mire, plus qu’une petite
trentaine de kilomètres jusqu’à la frontière. Moments magiques dans la savane
africaine : aucune circulation, en
bord de piste, seuls quelques mini villages Daasanach, la tribu du coin. De ce côté
de la rivière, les touristes sont très rares et les réactions sont différentes :
terminé les demandes d’argent, mais de simples saluts, de la curiosité ou
parfois même des réactions de recul en me voyant.
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On m’avait dit que c’était tout droit… |
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Les enfants Daasanesh curieux sortent de leur hutte pour me voir |
J’arrive au dernier check point Ethiopien, les militaires
regardent mon passeport et m’indiquent la direction du Kenya. C’est tout droit
par là. « The road is safe » ajoutent-ils. Pendant les 12
kilomètres de no man’s land qui sépare l’Ethiopie du Kenya, je suis la vague
piste très sableuse. Dans ces paysages infinis, je vois de nombreux« bergers »
Daasanesh avec leurs troupeaux de vaches ou de chèvres. L’endroit pourrait
paraitre comme le plus tranquille du monde s’ils n’avaient pas tous un fusil
accroché dans le dos.
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« Karibu»
(bienvenue) super accueil des militaires Kenyan – Ils n’ont vu personne
passer ici depuis un mois et demi |
Todenyang, le premier village est désert. Il y a
seulement une mission catholique qui s’occupe et éduque les orphelins des
tribus alentours. Une enseignante remplit mes gourdes et m’en dit plus sur le
conflit et ses origines. Les Daasaneshs coté Ethiopien convoitent les eaux du
lac exploitées par les Turkanas coté
Kenyan. Les affrontements durent depuis
des années et le nombre de mort augmente. Ca explique les armes omniprésentes,
et la fuite des habitants vers les villages plus au Sud.
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Premiers kilomètres au Kenya accompagné par des
dizaines d’oiseaux multicolores aux alentours du lac Turkana |
Si la région est le paradis des oiseaux, c’est loin d’être celui des cyclistes. Je souffre
sur cette piste qui longe de plus ou moins loin le lac Turkana. Beaucoup de
sable, les roues s’enfoncent, je pousse,
je remonte sur le vélo, m’enfonce à nouveau, je repousse, je repédale… la
progression est difficile. D’autant plus qu’il fait chaud par ici (plus de 40°c
à l’ombre à la mi-journée). J’ai bien tenté une baignade dans le lac pour me
rafraichir, mais c’est plutôt les crocodiles que j’ai vu se balader
sur les berges qui m’ont refroidi. Cependant, malgré la difficulté,
passer dans ces contrées reculées est une super expérience.
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Et ça va être comme ça durant 140 kilomètres… j’ai pas
fini pousser… |
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Les huttes des Turkanas |
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Le lac Turkana vue de la tente au réveil |
Sur le chemin quelques mini hameaux de huttes et quelques
villages. Même si les conditions de vie sont difficiles, les gens ont le
sourire, ils me font signe, les enfants me lancent des « Habari ?»
(Comment ça va ?). Aussi la plupart de gens parlent anglais et ce détail
fait toute la différence. C’est génial de pouvoir à nouveau avoir de vraies conversations
avec les locaux.
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L’épicerie du village de Kataboy |
Une fin de journée au village de Nachukui, c’est John qui
vient à ma rencontre. Il travaille pour child found, une association qui aide
les enfants défavorisés. Il fait sa tournée des villages et il se trouve que Nachukui
est son village natal, je passe la nuit dans la cour de la maison familiale et
je repars avec les gourdes pleines.
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Asante (Merci) John |
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Village de Nachukui |
Dans ces villages quelques rares panneaux solaires
fournissent le minimum d’électricité, mais le plus gros problème c’est l’eau. Les
puits sont à sec, les pompes à eau ne fonctionnent plus, elle est si rare et
précieuse que je suis gêner d’en demander. Je me retrouve plus d’une fois à
aller avec les locaux qui creusent dans les lits de rivières asséchées pour en
extraire.
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C’est mieux que rien vous me direz… |
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Jour d'affluence sur la piste, il y a distribution de
nourriture (aide gouvernementale) dans le village voisin |
Plus de trois jours à pédaler sur les rives du lac
Turkana et j’arrive au village de Kalakol, le début de la civilisation :
quelques boutiques, une pompe à eau qui fonctionne, de l’électricité et de l’asphalte, enfin presque. C’est
certainement un des pire revêtement que j’ai jamais vu, mais après des jours à m’enfoncer
dans le sable, j’ai l’impression de rouler sur un billard. Je saute entre les
bouts de goudrons pour rejoindre Lodwar, la première petite ville tout au Nord-Ouest
du Kenya, et prendre du repos après ce passage de frontière épique.
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Les Alentours de Lodwar |
A bientôt.
whaou, quel choc de culture pour nous occidentaux. Encore bravo pour ce super récit imagés, c'est génial. Prends bien soin de ta santé et bon courage pour affronter les mendicités répétés...
RépondreSupprimerAh ces sales gosses éthiopiens, pas de bol pour ce détail très gênant parce que, pour le reste, on en prend plein les mirettes avec ton aventure africaine. Originale, c'est peu dire, et très instructive. Fait gaffe quand même aux armes ... et aux crocos, et on attend les lions, girafes, éléphants,... Enfin, c'est peut-être mieux des sales gosses que des bêtes sauvages. Et tu ne fais pas un safari de Tour Operator non plus. Ciao et rdv au prochain épisode.
RépondreSupprimerIl est super ton récit Loïc, je n'y connaissais rien à propos de cette partie du monde, et tu nous expliques avec vérité et simplicité ce qu'on y voit, ce qu'on y endure, ce qu'on y reçoit (quelques pierres, certes, mais aussi quelque savoir), ce qu'on y mange ou boit... Merci pour ce partage de connaissances !
RépondreSupprimerPfiou ! C'est une autre planète. Les indigènes sont magnifiques !
RépondreSupprimerCourage pour la suite du voyage !
Même après bientôt 3 ans de balade à travers le monde tu arrives toujours à nous captiver par tes commentaires et tes photos .L'Amérique du Sud nous avait emballé mais l'Afrique c'est un autre monde partagé entre bonheur de découvrir et craintes car tout n'est pas sur, d'après tes quelques récits dans ton blog. On est toujours derrière toi et on te fais confiance pour la suite .Bon voyage ,bonne route et peut-être à bientôt pour une nouvelle retrouvaille.
RépondreSupprimerBiz des Parents
Armando
RépondreSupprimerbravo loic superbes photos et commentaires,prends soin de toi et profites a fond.
Je vois que la traversée du Kenya ne fut pas de tout repos. Je trouve des points communs avec l'Afrique de l'ouest, mais aussi de grandes différences. Je pense que si tu étais passé par ici, ton aventure aurait été très différente. J'espère qu'on aura un jour l'occasion d'en parler de vive voix.
RépondreSupprimerAs tu reçu mon dernier mail sur voyageforum ?
Je quitte la Mauritanie ce dimanche sans regrets Je vais passer 5 jours en Espagne, puis je vais à Malte pour une durée indéterminée.
Au plaisir de te lire.
Pascale
Ouah ! On reste captivé par tes récits et on se rend compte que les dangers peuvent davantage venir des hommes que de l'environnement naturel . En tous cas grâce à toi on devient moins ignare des us et coutumes des différentes ethnies . Nous te souhaitons plein de courage pour tes nouvelles aventures africaines.
RépondreSupprimerDom et Renaud
vatfere voire pas le sale gosse ethiopia mais le sale gosse touriste!!!
RépondreSupprimerChapeau ! Intrépidité, courage,endurance
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