lundi 17 juin 2013

De Caraz (Pérou) à Huanuco (Pérou)

C’est avec Lena et Hardy, un couple allemand, que je prends la route pour traverser la grande cordillère blanche. Cette chaîne de montagnes est bien connue pour ses paysages spectaculaires avec ses glaciers et ses lagunes. C’est un passage du voyage qui me tient particulièrement à cœur. Pour rejoindre Huanuco, plusieurs itinéraires possibles, et comme souvent, le plus difficile est le plus joli. On choisit de traverser par le col de Punta Olympica qui approche les 5000 mètres d’altitude. En guise d’échauffement, de Caraz à Carhuaz, on a encore de l’asphalte et un relief relativement plat. On longe la cordillère avec déjà de chouettes vues sur les hauts sommets enneigés.


Carhuaz
Le plein d'énergie au marché de Carhuaz avant le col

Carhuaz

A Carhuaz, on bifurque en direction du Mont Huascaran. Il fait grand soleil, on porte encore short et T-shirt et on a le glacier en point de mire. Bonne surprise, la route est asphaltée alors qu’on s’attendait à de la piste, ce passage de col s’annonce plutôt bien. Mais plus on monte, plus on voit les nuages entourer les cimes, le vent se lève, et la pluie s’invite à la partie. On bivouaque à 4000 mètres d’altitude en espérant avoir du soleil le lendemain.


En route vers le Mont Huascaran qui culmine à 6768 mètres d'altitude

Les maisons des villages de montagne péruviens

Le Mont Huascaran a la tête dans les nuages et je vais pas tarder à l'avoir aussi

Réveil sous la pluie et dans le brouillard, pour les superbes paysages de la cordillère blanche, faudra repasser ! Il nous reste encore 20 kilomètres à gravir pour franchir le col, et à chaque lacet le temps empire : la pluie se transforme en grêle puis en neige le vent souffle de plus en plus fort pour finir en véritable tempête au sommet. Et pour ne pas aider, la piste remplace l’asphalte. J’en perds même Lena et Hardy que je retrouverais au village de Chacas de l’autre côté.


Bivouac  un peu avant le col

Passage du col de Punta Olympica - 4940 mètres d'altitude

Village de Chacas

La cordillère blanche est passée, mais je suis loin d’en avoir fini avec les hauts sommets et tant mieux.  Ces cols à plus de 4000 mètres d’altitude offrent toujours des paysages exceptionnels : des lagunes, des grands pâturages et des vues sur les cimes de la cordillère blanche. 


Village de San Luis
Montée vers Huachucocha

Laguna Huachucocha - 4354 mètres d'altitude

On traverse des villages incroyablement typiques. L’accueil est très variable selon que l’on soit proche d’un site touristique (Chavin) ou non. Soit on est accueilli les bras ouverts, invité à une fête de village, à jouer au volley avec les jeunes du village. Soit vu comme des portes monnaie sur roues,  à se faire demander de l’argent à chaque virage. 


Hameau de Huamantaga

Descente vers Huari
 Fête au hameau de Colcas - les villageois dansent sur le terrain ou va être construit prochainement un hopital de campagne
Après le village de San Marcos, ça devient totalement sauvage, très caillouteux et difficile, les seuls véhicules qui passent (rarement) sont des 4x4 qui travaillent dans une des mines de cuivre, zinc et argent. Lena et Hardy avec leurs vélos surchargés ont du mal à gravir les lacets dans les cailloux et abandonnent. Ils embarquent dans un des pick up de la mine, je continue seul. J’ai droit à un festival de lagunes magnifiques. Dommage que ces mines « gâchent » un peu le paysage. Cependant, ça me permet de demander mon chemin, il n’y a pas de villages à ces hautes altitudes, je me repère de mine en mine. Le seul village est Antamina, un entassement de baraquements de chantiers plutôt modernes. Mais l’accès est réservé uniquement aux ouvriers.


Une des lagunes des environs d'Antamina

Un riz/poulet au bord de la route?

Passage d'un col à plus de 4500 mètres aux environs d'Antamina

Pour rejoindre Hullanca, je loupe la route asphaltée qui fait la jonction avec la mine de Antamina et m’engouffre dans une vallée sensée m’emmener vers Hullanca. Moments magiques, c’est complètement désert, le calme parfait, des chevaux sauvages bordent la piste, j’ai l’impression d’être seul au monde.


Une des lagunes des environs d'Antamina

Descente vers Hullanca - avec les gelées noctures, une cabane de berger est toujours la bienvenue

Decente vers Hullanca

J’ai mangé mon dernier bol de riz au thon, mes sacoches sont vides, je retrouve la route 3N en mauvais état mais goudronnée et le village de La Union juste à temps. C’est le retour à la civilisation après ces moments d’exceptions dans les hautes montagnes.


Entre La Union et Huanuco

Le maïs qui seche suspendu au toit de beaucoup de maisons de villages de montagne
Rencotnre avec Jean Yves et François, des vieux de la vielle du cyclotourisme. Au programme : de Salta (Argentine) à Quito (Equateur)

Encore un bout de route et un col à plus de 4000 mètres pour rejoindre Huanuco. Après ces jours de piste, rouler sur l’asphalte est agréable, retraverser des villages aussi. Huanuco est une petite ville du centre du Pérou, de 75000 habitants. « La ville ou le climat est le meilleur du monde » me dit le panneau à l’entrée. C’est vrai que redescendu à 1900 mètres d’altitude, les températures sont plus clémentes. 


Arrivée à Huanuco

La ville est plus propre et plus moderne que celles que j’ai vu jusqu’à présent. Pas de tenues traditionnelles, mais le classique balai des tuktuk dans les rues et l’agitation des villes péruviennes. A peine arrivé, je retombe par hasard sur mes amis Lena et Hardy avec qui je passe une journée de repos.


Hardy, Lena, Loic - Qui mange sa glace le plus vite?

 A bientôt

mercredi 5 juin 2013

De Cajamarca (Pérou) à Caraz (Pérou)

Je quitte Cajamarca direction la grande cordillère blanche. Je roule sur la route 3N, une route secondaire à faible circulation, plutôt agréable avec ses centaines de petits virages. C’est grand soleil, je m’arrête souvent pour discuter, une fête de village par ci, des gens qui m’interpellent par là.
Les alentours de Cajamarca


Passage des 40 000km! Ce soir, je mets de la sauce tomate dans les pates!
Village de San Marcos
C’est dimanche, j’arrive à la petite ville de Cajabamba, il y a un monde fou dans les rues, des chapeaux traditionnels partout, c'est très typique. Je m'y arrête pour manger.  Quand j'en ai l'occasion, je ne loupe pas ces petites cuisines en plein air qu'on trouve sur les marchés. C'est de loin mon endroit préféré pour manger. Ca me change un peu du désormais traditionnel riz au thon que je fais avec mon petit réchaud quotidiennement. On arrive, on s'assoit à la table, on choisi entre les quelques plats disponibles. C'est souvent simple mais plutôt bon :  riz, pates, pommes de terre avec viande ou poisson. C'est servi dans la minute et ça coute 1 euro à peine. C'est convivial et la discussion avec les gens présents autour de la table s'engage naturellement.

Cajabamba

Cajabamba

Cajabamba

Le lendemain dans un petit village, je vois que la route est barrée. Il y a un homme avec sa radio qui me fait signe, je vais le voir. Il me dit que je ne pourrais pas passer la ville de Huamachuco. On écoute la radio…on entend mal…il me dit que toute la région est bloquée. Je cherche une solution sur ma carte, rien ne m’arrange vraiment,  il y en a bien une mais qui me ferait faire un gros détour. Puis il me dit qu’en vélo je peux passer. Je le remercie et passe le barrage sans chercher à savoir ce qui se passe. Je ne sais pas si c’est des chutes de pierres qui bloquent la voie, ou un accident, je verrais bien… La route qui est déjà très peu fréquentée, ne l’est plus du tout. La cordillère des Andes devient une gigantesque piste cyclable. C’est génial d’y pédaler !
Laguna Sausacocha

Il semble qu’avec la radio, les nouvelles vont vite. A chaque village les habitants ont mis en place des barrages de fortune avec des pierres, ou des troncs d’arbres. Et il y a toujours quelqu’un avec la radio à l’affut de nouvelles fraîches. A chaque fois, on fait signe de passer…


Ah encore un tiens...

J’approche de la fameuse ville de Huamachuco, les barrages se multiplient. Maintenant ce ne sont plus seulement des troncs d’arbres ou des pierres qui font barrage mais une armée de villageois avec des bâtons. Parfois on me laisse passer, parfois je suis obligé de « négocier ». Je demande ce qu’il se passe, personne n’est en mesure de m’expliquer exactement, ils sont tous autour de la radio. Tout ce que je comprends c’est qu’il se passe quelque chose à Huamachuco.
Et ça file la laine, encore et toujours...

Derniers barrages avant la petite  ville de Huamachuco. Je commence à prendre l’habitude, j’arrive avec le sourire et ça passe toujours, on me pose toujours les même questions : D’où tu viens ?, Ou tu vas ?, Tu sais, que tu ne pourras pas passer Humachuco ? Et on laisse passer le gringo à vélo.
Les alentours de Huamachuco
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A Huamachuco les rues sont désertes, silencieuses, tout est fermé, bien différent de l’agitation habituelle des villes et villages péruviens. La police et à chaque coin de rue,il y a d’importantes manifestations. J’en parle avec les gens : « c’est contre la corruption et l’injustice » me dit-on sans m’expliquer exactement la situation. C’est apparemment un ras le bol général.

Manifestation dans les rues de Huamachuco

Je continue mon chemin et tombe sur des barrages avec de plus en plus de gens. L’effet de groupe fait que j’ai parfois du mal à les passer et je commence à manquer d’arguments… On me conseille de passer par les pistes. Ça ne me plait pas trop, mais de toute façon je devrais bifurquer sur des pistes quelques dizaines kilomètres plus loin. Alors maintenant ou plus tard… La piste dont les villageois me parlent n’est pas sur ma carte, c’est apparemment plus court, mais ce qui me fais hésiter, c’est que personne n’est vraiment sûr de l’itinéraire. Chaque habitant me donne des noms de villages différents, que je suis sensé trouver sur le chemin, ils se contredisent, parlent de distances en heures et il y a plusieurs croisements. Bref, je note tout ça sur un bout de papier et je me lance… j’ai de toute façon pas vraiment le choix.

Je sais pas trop ou je vais, mais j'y vais!

En effet, c’est pas la ballade de santé : ça ressemble plus à un chemin qu’à une piste. Des cailloux, des trous, des rivières à traverser mais surtout des croisements… plus que prévu et c’est bien ça le problème. Cette fois, il n’y a personne pour demander mon chemin, alors c’est pile ou face, et souvent à ce petit jeu,  je perds. La sanction : des détours, des retours en arrière. Même  si les paysages sont sauvages et plutôt sympas, je n’aime pas cette sensation de ne pas savoir ou je vais, de rouler avec le doute, de peut-être devoir remonter les 20 kilomètres dans les cailloux que je viens de descendre (ce que j’ai dû faire plusieurs fois!).

Bon maintenant que je suis en haut, il s'agirait de pas se tromper!

Sur ces chemins difficiles, le vélo souffre et moi aussi. Je suis un peu perdu, j’utilise pas mal la boussole. Heureusement les quelques personnes que je croise me remettent sur le droit chemin et j’arrive au village de Cachicadan. Là, je retombe sur l'itinéraire que j'ai prévu d'empreinter et la piste devient plus praticable.

Une épicerie du village de Cachicadan

C’est toujours très sauvage et la circulation est quasi inexistante. Les gens circulent à pied ou à cheval. Il n’y a qu’un bus par jour. De toute façon, deux véhicules ne peuvent pas se croiser sur ces pistes à flancs de montagne. C’est le même bus qui fait l’aller et le retour.



Au village de Mollepata
Je passe plusieurs jours sur ces pistes, je progresse lentement, je vais de vallée en vallée, je demande mon chemin de village en village dans lesquels je reçois toujours un bon accueil. On me donne du pain, on m’invite à boire un coup. Ces endroits ne sont pas les routes classiques des cyclo-voyageurs et encore moins des touristes qui voyagent par d’autres moyens, du coup je suis un peu l’attraction.

Vous voyez sur la montagne en Face? Ben c'est pas les lignes de Nasca hein! Dans le dialecte local, ça veut dire "tu vas en chier mon gars!"

Après d’innombrables lacets, j’arrive au village de Pallasca. Il est midi, je vais prendre un « menu del dia » dans le restaurant/hôtel/superette du village. J’en profite pour faire quelques courses avant une longue portion sans rencontrer de village. Quand je demande ou je peux trouver de l’essence pour mon réchaud, on me dit : « va chez ma belle sœur, deux rues plus haut et tu toques à la porte rouge ! » D’habitude, il y a des stations essence partout, mais j’avais oublié que dans ces montagnes, presque personne n’a de voiture !

Village de Pallasca

Le plein chez "Esso Pallasca"

Les ruelles du village de Pallasca
  
On m’indique le chemin que je dois prendre, et je me laisse descendre dans l’autre vallée. C’est la cordillère noire, les paysages sont radicalement différents. Fini la végétation et les nuances de vert, d’un coup, tout n’est que pierres et roches. Les paysages sont à couper le souffle.

Les montagnes de la cordillère noire
Dans ce décor hors du commun, au détour d’un virage, je ne pouvais que croiser quelqu’un hors du commun : Lee, un chinois à vélo, plus de 16 ans sur les routes et près de 300000 kilomètres au compteur. C’est bien simple il a été partout, avec ou sans visa!  Il connait l’Asie comme sa poche, il a sillonné l’Europe en long en large et en travers, il est passé dans tous les pays d’Afrique, et c’est sa 5ème fois sur le continent américain.


Lee et son 7ème vélo avec ses sacoches cousues à la main avec de la bache
J’échange quelques anecdotes avec lui et je continue dans ces paysages extraordinaires. Je longe un affluent du « Rio Santa », la circulation est nulle, le bruit de la rivière résonne sur les flancs des montagnes et  chaque virage est une carte postale pour cyclotouriste. Pendant plusieurs centaines de kilomètres j’ai l’impression de pédaler sur la lune.


Entre Pallasca et Chuquicara


Entre Pallasca et Chuquicara
J’arrive au croisement tant attendu de Chuquicara, le retour à la civilisation. C’est un minuscule village avec un resto route et quelques épiceries, mais pour moi c’est surtout le retour de l’asphalte ! C’est une fausse joie ! Ma carte m’a menti, l’asphalte s’arrête ici, dans la direction ou je vais, c’est de la piste !



Entre Pallasca et Chuquicara

Je continue dans la poussière, plus je monte plus les paysages sont impressionnants. Pour finir en beauté, le passage du fameux « Canon de Pato » et ses innombrables tunnels creusés dans la roche.

Canon de Pato

Canon de Pato
  
Tout en haut du Canon del Pato, je retrouve enfin l’asphalte et j’arrive à la petite ville de Caraz. Je vois déjà les cimes enneigées de la cordillère blanche,  mais ces derniers jours dans la crassette m’ont épuisés, j’ai besoin d’un peu de repos avant de titiller les grands cols.

Caraz - décoration des rues pour une fête religieuse

Procession religieuse dans les rues de Caraz

J’aime à prendre du repos dans ce genre de petite ville, c’est calme, typique, tout est à deux pas, le marché, la petite place centrale, les petites boutiques (boulangeries, quincailleries, papeteries, laverie, boucheries, épiceries, etc…) sont omniprésentes, pas encore englouties par les supermarchés. Caraz est peu touristique, j’y rencontre tout de même Yannick et Solène, un couple suisse. Ils prévoient d’aller voir la « laguna Paron »  et me proposent de partager une voiture avec eux et d’autres voyageurs pour réduire les coûts. Cette lagune étant dans un cul de sac, je n’avais pas prévu d’y aller, surtout que je vais en voir d’autres sur mon chemin, mais c’est une bonne opportunité, et ça vaut vraiment le déplacement.


 Laguna Paron - 4170 mètres d'altitude


On est finalement 7 dans la voiture dont Hardy et Lena, un couple de cyclistes allemands avec qui je reprends la route demain matin vers les hauts sommets.
A bientôt