mercredi 20 mars 2013

De Panama (Panama) à Cartagena (Colombie)


Me voila donc à Panama, capitale du pays du même nom. C’est la fin de mon passage en Amérique Centrale. En effet, il n’est  "pas possible" de passer en Colombie par voie terrestre, pour la bonne et simple raison qu’il n’y a pas de route. Cette zone s’appelle le Darien, c’est le seul maillon manquant de la route Panaméricaine. La route s’arrête 100 kilomètres avant la frontière côté Panaméen et ne reprend que 50 kilomètres après côté colombien. Entre les deux, c’est une jungle dense et marécageuse entrecoupée de mangroves, refuge des moustiques, serpents, crocodiles et autres animaux sauvages pas très amicaux. Les quelques pistes existantes ne sont pas des plus praticables à vélo et le risque de s'y perdre est grand. Mais surtout, l’endroit étant un haut lieu du trafic de drogue, on y trouve aussi des paramilitaires, narco trafiquants ou autres guérilleros. Les quelques récits de traversée que j’ai lu m’ont dissuadé de la tenter.  «Y en a qu’ont essayé, ils ont eu des problèmes…. » (Chevallier et Laspales) . J’abandonne donc vite l’idée de cette traversée bien trop dangereuse.

Panama

Pour rejoindre l’Amérique du Sud, j’ai le choix entres les alternatives suivantes :
- vol international de  Panama City à une ville colombienne  (Medellin, Bogota ou autre...)
(durée : 1h – prix : de 300 à 400 dollars)
- vol intérieur de Panama City jusqu’à Puerto Obaldia puis plusieurs lanchas pour rejoindre Turbo, en  passant Sapzurro et Capurgana
(durée : environ 3 jours + entre 7 et 15 jours de délai d’attente pour le vol intérieur - prix : entre 150 et 200 dollars selon ses talents de négociation pour les lanchas)
- bateau à moteur  dans les îles des San Blas  de Portobello ou El Porvenir  jusqu’à La Miel puis diverses lanchas jusque Turbo en  passant Sapzurro et Capurgana
(durée : 3 à 4 jours – prix : de 400 à 500 dollars)
- voilier depuis Portobelo ou El Porvenir jusqu’à Cartagena en passant par les îles des San Blas
(durée : :5 ou  6 jours – prix : entre 500 et 600 dollars)

Une petite carte faite maison pour comprendre ce que je raconte
Je me laisse tenter par la traversée en voilier, c’est la manière la plus simple pour transporter le vélo, mais surtout la plus agréable pour se rendre en Colombie. Plusieurs capitaines font la traversée sur leurs voiliers privés et offrent des prestations qui varient beaucoup. Pour ne pas que cette traversée se transforme en cauchemar, il faut prendre soin de bien se renseigner sur le bateau, pour des raisons de confort, mais surtout pour des raisons de sécurité. Je suis amusé et inquiet de lire les retours d’expérience de certains bateaux. J’élimine ceux qui n’embarquent pas assez d’eau ou de nourriture pour tout le monde, ceux dont la date de départ est trop lointaine, ceux dont le capitaine est alcoolique, ceux qui sont en mauvais état,  ceux qui demande plus d’argent que prévu, ceux qui passent de la drogue, j’en passe et des meilleurs… Je choisi d’embarquer sur le Wild Card qui a très bonne réputation. Je contacte le capitaine et lui confirme ma présence pour le prochain départ fixé dans 4 jours. Ca me laisse donc le temps de visiter cette capitale très contrastée.
Vue de la fenêtre de mon auberge de jeunesse

Comme toutes les grandes villes d’Amérique latine, certains quartiers sont "dangereux" ou du moins on sent qu'il ne vaut mieux pas y trainer. Je m’en suis rendu compte en entrant dans la ville et les avertissements affichés sur les murs de l’auberge de jeunesse ou je réside me le confirment (si vous vous rendez à cet endroit, ne tournez surtout pas à droite ici ; n’allez pas la de nuit ; n’allez pas la bas de jour comme de nuit, dans cette rue n’allez pas plus loin que le Mc Donalds, etc…). J’ai l’habitude monter sur mon vélo et de sillonner les grandes villes un peu au hasard, cette fois, je me contente des zones touristiques balisées.
Panama - quartier "Casco Viejo"

Panama - quartier "Casco Viejo"

Panama - quartier "Casco Viejo"

Panama n’est pas Singapoure et encore moins Dubai, même si de loin, les nombreux buildings qui rivalisent de créativité architecturale pourraient le laisser imaginer. Les quartiers populaires délabrés ou les bidonvilles tout proches me rappellent la réalité. Ces tours de verre et de béton abritent les sièges sociaux de nombreuses banques, assurances, fond d’investissement ou sociétés étrangères très connues, toutes venues profiter des avantages fiscaux qu’offre ce pays. Le panaméen moyen lui, regarde passer les expatriés en berline de luxe.

Panama - quartier de "Bella Vista"

J’en profite aussi pour visiter l’une des trois écluses du fameux Canal de Panama. Ce chef d’œuvre d’ingénierie relie l’atlantique au pacifique évitant aux navires un détour de plus de 15000 kilomètres par les mers agitées du cap Horn. Avant le canal, avait été installé une ligne de chemin de fer qui permettait de faire passer les marchandises d’un coté à l’autre. Elle a aussi grandement aidé à la construction du canal qui a débuté en 1882. Ce chantier titanesque aura connu bien des difficultés. Commencées par un ingénieur français, puis rapidement aidé par le bien connu Gustave Eiffel, les différentes tentatives tricolores ne voient jamais le jour du à des problèmes financiers ainsi que des épidémies de fièvre jaune et de paludisme qui ont entrainés la mort de plus de 20 000 ouvriers. Le chantier reste abandonné pendant 10 ans. A l’époque le Panama est une région de la Colombie et revendique son indépendence. En échange de leur soutien, les Etats Unis obtiennent du Panama le droit de reprendre le chantier et d'exploiter le canal. Ce n’est qu’en 1914 qu’est inauguré le canal de Panama. La zone reste sous administration américaine jusqu’en 1979. Depuis cette date, c’est le Panama qui gère ce canal qui est un vecteur de l’économie nationale et un élément clé du commerce maritime mondial.

Ecluses de Miraflores
Le canal de Panama en quelques chiffres:
- longueur totale : 80 km
- temps de traversée moyen: 9 heures
- nombre d’écluses à traverser : 3 écluses de 2 chambres chacune
- taille des chambres d’écluses : longueur 304,8m – largeur : 33,5m
- taille maximum des bateaux pouvant traverser le canal  : longueur 294,1m – largeur 32,3m
- poids d’une porte d’écluse : 730 tonnes
- nombre de bateaux traversant chaque année : 14 000
- prix à payer par un bateau pour traverser le canal : de 900 dollars pour un voilier jusqu'a 250 000 dollars pour le célèbre ferry de croisière Queen Mary 2. Prix moyen 54 000 dollars


Je suis vraiment impressionné par la précision avec laquelle les bateaux doivent être guidés dans les écluses. J’ai fait le calcul pour vous, il reste 60 centimètres de chaque côté quand les bateaux de plus grande taille (les Panamax) franchissent une écluse. Cette taille maximum étant de plus en plus un facteur limitant, en 2015 deux nouvelles écluses devraient s’ajouter à celles déjà présentes et permettront de faire transiter des bateaux deux fois plus larges (postpanamax).
Passage d'un porte conteneur type Panamax - longueur 294,1m – largeur 32,3m


Le temps est venu de quitter le Panama. Je me rends au minuscule port de Carti situé dans le territoire des indiens Kunas (qui au passage m’allègent de 10 dollarsde droit d'entrée).   Les indiens kunas vivent en communauté autonome dans la partie Nord Est du Panama mais principalement dans l’archipel des San Blas. La petite route qui y mène traverse la jungle et offre des superbes vues sur les alentours.
Carti - En attendant la lancha qui va m’amener sur le voilier, je fais connaissance avec certains de mes compagnons de traversée
Par hasard, je revois aussi mon ami Remi que j’avais rencontré au Nicaragua et recroisé plusieurs fois à Panama. Il fonce un peu partout tête baissée en quête d’une solution, la moins chère possible, pour passer en Colombie. Il tente d'embarquer sur un bateau, sans succès cette fois.

Le Wild Card qui va nous emmener en Colombie -  18 mètres de long, 40 tonnes
On est au total 17 personnes sur le bateau, 13 passagers d'autant de nationalités différentes, 3 membres de l’équipage et John, notre capitaine néo-zélandais très expérimenté. Heu...17 et demi en comptant son fidèle bras droit dit "miaou" un chat de gouttière qui n’a pas peur des tempêtes. Tout le monde est présent, on lève l’ancre, cap sur la Colombie ! Mais pas trop vite ! Le programme des trois premiers jours est plutôt cool, le bateau mouille dans les îles des San Blas, ensuite seulement suivront deux jours de navigation non stop jusqu’à Cartagena.
A peine parti, les dauphins nous accompagnent et sautent de tous les côtés du bateau.

Première étape, la petite île de El Porvenir, c'est la capitale du territoire Kunas : quelques cabanes et une bande de beton qui sert de piste d'atterrisage. C'est ici qu'on doit faire les formalités de sortie du Panama au bureau de l’immigration. Enfin, c'est le capitaine qui s'en occupe, pour nous c'est l'occasion d'une première baignade.
Île de El Porvenir - J'ai connu des frontières moins agréables

C'est les yeux grands ouverts qu'on s’engage dans les San Blas. Ces îles constituent un archipel de 365 îlots coraliens dont seulement 60 sont habités par les indiens Kunas. Les paysages sont exceptionnels, tout droit sortis des catalogues d'agence de voyage. 



Un des îlots de l'archipel des San Blas - Eh ouais! c'est les caraibes!

Archipel des San Blas

Archipel des San Blas - le vélo c'est bien, mais le voilier, c'est pas mal non plus

Les Kunas vivent principalement de la pêche et d’un peu d’artisanat qu’il vendent aux quelques touristes de passages. Les traditions sont toujours bien présentes. Ils parlent un dialecte très différent de l'espagnol, les vêtements et bracelets traditionnels colorés sont encore portés par la majorité des femmes, y compris le foulard rouge et les cheveux courts qui signifie qu'elles sont mariés.

Archipel des San Blas - une île habitée par les Kunas

Mario, l'italien du groupe, en discussion avec les Kunas
Archipel des San Blas - Non, serieux? Il neige en Lorraine?

On navigue d’îles en îles, elles ne sont pas bien éloignées les unes des autres ce qui nous laisse largement le temps de se baigner, faire un peu de snorkling (plongée sans bouteilles), de discuter avec les kunas, d'admirer leur habilité à la pêche au harpon, s'essayer à la cueillette des noix de coco, etc... Chaque soir, on jette l'ancre aux abords d'un de ces îlots, libre à nous de dormir dans notre couchette, sur le pont du bateau ou sur un des îlots.

Un très petit échantillon de ce qu'on peut voir sous l'eau

Archipel des San Blas - Les Kunas de retour de la pêche


Même dans les coins les plus reculés du monde, le football est toujours très populaire et Messi  est un des joueurs les plus apprécié. Une petite partie avec les enfants, permet s’amuser un peu, de se dégourdir les jambes mais surtout casser ce rapport touriste = argent.

Dans ces conditions, le temps passe vite. De jour en jour, on se connait de mieux en mieux et l'ambiance sur le bateau est plutot chouette. On passe de super moments dans ce cadre magnifique.

Notre capitaine John qui fait ses courses à l'épicerie ambulante des San Blas

Un repas pris dans "la pièce commune", le pont du bateau


Archipel des San Blas - bredouille?
Après 3 jours dans ces magnifiques îles, cap sur la Colombie et le port de Cartagena. A cette période de l’année, la mer est agitée. On navigue contre vents et marées.  Le mal de mer ne tarde pas à se faire sentir. Comme la majorité, je passe la quasi-totalité des 40 heures de traversée non stop allongé sur ma couchette sans boire et ni manger. Par le hublot, je vois les vagues passer au-dessus du pont, le bateau tangue dans tous les sens, l’eau s’infiltre par les hublots du pont, je commence à réaliser qu’on n’est pas grand-chose sur l’océan dans notre coquille de noix.

Eh capitaine, ça tanque pas mal la! T'es sûr que ça va allez? Mais oui, t'inquiète pas, va te recoucher...

L’arrivée dans la baie de Cartagena est synonyme de fin des souffrances pour tout le monde. On retrouve la forme instantanément. Il est 18 heures, le bureau de l’immigration colombien est fermé, on a donc droit à une nuit de plus sur le bateau, au calme cette fois, avec une superbe vue sur la ville.



Arrivée à Cartagena - merci capitaine!


Dernière nuit sur le bateau dans la baie de Cartagena qui marque la fin de cette geniale traversée.
Le jour suivant, au petit matin, je quitte le port et fais mes premiers tours de roues en Colombie. Content de retrouver la terre ferme et pris d’une furieuse envie de me dégourdir les jambes, je me rends dans la partie historique de la ville. Je suis séduis par cette vieille ville fortifiée au riche passé historique. Sans m’en rendre compte, je suis aspiré de ruelles en placettes, j’en oublie que je ne me suis pas douché depuis 5 jours (économie d’eau sur le voilier oblige), que je dois retirer de l’argent, trouver un endroit pour dormir... bref, je vis l'instant présent.

Cartagena - vieille ville

Cartagena - vieille ville


Cartagena - vieille ville ouais je sais, le cadrage laisse à désirer, c'est le bateau ça...
Je reste un peu à Cartagena. Je reprends des forces après ces deux jours de mal de mer. Aussi je profite de cette ville animée avec mes compagnons de traversée qui sont devenus des amis.

Cartagena - Plaza de la trinidad

Demain, Je remonte sur le vélo, direction plein Sud, objectif : découvrir l’Amérique du Sud.



A bientôt.

Vue sur la baie de Cartagena

5 commentaires:

  1. Super ton reportage..
    Francis

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  2. Génial !! On en prend plein les yeux, merci de nous faire partager cette nouvelle partie de ton aventure. Mais bon , c'est la Colombie maintenant, fais gaffe à la suite avec ce retour sur terre, on a entendu tellement de choses sur ce Pays, mais tu vas peut-être démentir tout cela dans les jours qui viennent. Bonne route en Am Sud !! Patrice

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  3. Je suis régulièrement ton blog depuis le début et j'apprécie vraiment tes récits ! Ca me fait voyager et je t'en remercie :) Bonne continuation à toi et profites du soleil veinard :D

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  4. Alors crocodile Dundee, la forme à ce qu'on voit!!! Tellement cool cette traversée! Dingue comme ça donne envie! Merci de nous faire rêver, c'est juste génial de te lire, ça confirme nos envies d'évasions futures. On t'embrasse fort! Bonne route l'ami!!!On se réjouit de te chopper sur skype!

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